Paru le 23 Déc. 2000
ISBN 2-84335-020-4
126 pages
10.67 euros
 
  Sérénissime assassinat
 
   
DU MÊME AUTEUR
AUX ÉDITIONS VERTICALES


La Marchande d'enfants
La Mort de C.
Le Nécrophile
Le sommeil de la raison
Chaque jour est un arbre qui tombe
Les rajahs blancs
Carnets d'Asie
Les départs exemplaires
Usages de faux
  Gabrielle Wittkop
 

"... ces horreurs-là ne doivent jamais se supposer dans une maison, les croire est compromettre tout ce qui l'habite."
D. de Sade, Aline et Valcourt



Sous le miroitement sombre des eaux de Venise se déroulent de mystérieuses histoires et c'est à l'une d'elles que nous sommes conviés. Revêtue du noir costume du joueuer de bunraku, Gabrielle Wittkop fait s'avancer, sur la scène étroite du palais des Lanzi, les terrifiants pantins d'une mascarade ingénieuse.
Dans la Venise du XVIIIe siècle, dont l'âme et l'esprit sont admirablement recréés par des toiles de fond empruntées aux grands maîtres de la pein,ture italienne tels Pietro Longhi, Francesco Guardi et Tiepolo le jeune, une inquiétante affaire d'empoisonnement secoue la demeure d'Alvise Lanza dont les épouses successives décèdent inexplicablement. Dans ces somptueux décors, "des femmes gorgées de venin vont (en) crever comme des outres", tandis que la Sérénissime vit ses dernoers instants de gloire.
Certes, les coupables ne manquent pas, et il est facile d'échafauder des mobiles dans cette cité des miroirs où tout n'est que faux-semblant. Mais Gabrielle Wittkop ne se laisse jamais prendre au piège de l'énigme policière. Son écriture est comme ces miroirs brisés dont chaque fragment offre un nouveau regard sur l'écorce des choses. Cette écorce renferme un noyau, elle est le véhicule qui mène jusqu'à lui. Mais plus que la résolution du crime, dont les dé&tours labyrinthiques de l'histoire finissent par nous livrer l'explication, ce qui importe est tout entier dans la surface, subrepticement disséminée dans les fragments d'un récit qui oscille constamment entre les temporalités, entre les personnages, entres les crimes, entre les soupçons.
C'est à un jeu de patience et d'attention que le lecteur, invité dès les premières pages à ne pas s'en laisser compter, devra comprendre les ressorts cachés d'un mécanisme fatal, cruellement apprêté pour son plaisir. Silencieusement, presque à son insu, la corde retenant la catastrophe s'use sous les doigts acérés de ma Pythie qui veille au ballet des marionnettes.
L'oeil aux aguets, nous pénétrons dans un monde dont la belle apprence cache autant qu'elle la souligne cette "létale incandescence" qui brûle en chacun, avec plus ou moins d'aise et de rapidité. Il fallait, pour mettre en scène cette procession de cadavres, les plus délicats atours, que seule la plume décadente et raffinée de Gabrielle Wittkop était à même d'esquisser.

Ne cherchez pas et vous serez certain de trouver.

l'histoire d'Alvise Lanzi suscite bien des murmures et des interrogations. Après chacun de ses mariages, et il y en aura quatre, ses épouses trouvent mystérieusement la mort dans d'effroyables convulsions. On parle d'empoisonnement, les soupçons se portent sur l'entourage d'Alvise et, bien sûr, sur Alvise lui-même...

Mais l'énigme de ce roman est ailleurs que dans la seule recherche du coupable. Elle se situe dans le trouble portrait de la ville des miroirs au siècle des Lumières, une Venise aussi fantasque que dangereuse. Les toiles de Pietro Longhi, Francesco Guardi et Tiepolo le jeune sont les inspiratrices de ce drame étrange et cruel que donne Gabrielle Wittkop dans une langue baroque et superbe.