Paru le 2 Janv. 2004
ISBN 2-84335-172-3
176 pages
16.00 euros
 
  Maternelles
 
   
DU MÊME AUTEUR
AUX ÉDITIONS VERTICALES


Infiniment petit
Pas le bon, Pas le truand
  Patrick Chatelier
  Maternelles se compose de chapitres d’inégales longueurs. Chacun se développe à partir de situations élémentaires et a priori hétérogènes : un jeune garçon a la fièvre ; un adolescent grimpe sur un rocher qui domine une vallée ; un enfant et sa mère (puis un homme et sa compagne) roulent en voiture ; un rituel chamaniste ; un extrait de lettre d’une mère à son fils ; un adulte ayant la fièvre revoit son enfance.

Ces évocations fragmentaires, tels de petits écosystèmes, se situent généralement dans un espace restreint (une chambre, une voiture, un paysage...). Le temps de l’ensemble, en revanche, demeure indéterminé. A l’échelle du roman entier, il pourrait s’agir d’un seul moment où s’inscrivent en parallèle plusieurs personnages, ou bien de plusieurs moments, réels ou fantasmés, concernant la vie d’un seul personnage masculin, saisi à plusieurs stades de son existence. Mais entre ces différentes périodes romanesques – celle de l’enfance, de l’adolescence, et de l’âge adulte –, il y a moins un personnage qu’un agent de liaison : la fièvre. Car c’est à partir d’une fièvre enfantine, des hantises primordiales d’un petit garçon alité, que Patrick Chatelier laisse libre cours à un imaginaire peuplé d’Amérindiens, d’Égyptiens, de colonies de fourmis, de pierres totémiques. Comme si le livre entier était le fruit de cet état d’hallucination. Mais à peine se persuade-t-on qu’il s’agit des simples fantasmagories d’un gamin malade, qu’on se met à douter. Et si c’était l’enfant fiévreux qui n’était qu’un reflet, une reconstruction mémorielle, selon ce principe cher à l’auteur : «Tchouang-Tseu, s’éveillant après avoir rêvé qu’il était un papillon, se demande s’il n’est pas un papillon rêvant qu’il est Tchouang-Tseu.»

 

  Sous la plume de Patrick Chatelier, tout est bel et bien réversible, déjà vu et déjà vécu depuis la nuit des temps. Et nul ne peut savoir si ces rêveries sont la source ou le point d’arrivée des rituels chamaniques mis en œuvre par l’auteur, selon un principe d’éternel retour des sensations premières, des cycles des générations. D’où une circulation du sens littéralement magique au sein de Maternelles. Au fil des pages, tout se met à exister par un subtil système d’échos, de correspondances et d’infimes variantes, que draine une langue qui joue avec le lecteur de tous les signes de piste.


Dernière clef à ce puzzle de réminiscences enfantines, Patrick Chatelier nous rapporte ce détail biographique :
«J’ai grandi au bord de la Loire. Puis je suis parti. Il a fallu m’éloigner pour, en revenant, apprécier la lumière, le paysage. J’ai alors appris que Julien Gracq habitait presque en face, sur l’autre rive, avec ses “eaux étroites” et les peupliers de son île Batailleuse. J’ai remarqué un rocher, qu’autrefois je voyais sans le voir. Je me suis dit que sur ce rocher il serait possible d’écrire – suivre un mouvement de ce petit lieu vers le reste du monde – partir de ce morceau de pierre, ce rien, ce corps – dresser une cartographie personnelle. Je suis né une seconde fois sur ce rocher.»

Avec Maternelles, Patrick Chatelier poursuit le travail très singulier entamé avec Infiniment Petit, celui d’une écriture en perpétuelle métamorphose qui s’immerge dans l’intimité des êtres et des choses. Tout le contraire d’un réalisme donc, puisque c’est dans les mues de la langue que la réalité s’altère, s’hallucine et se remémore au présent.