Paru le 1 Oct. 2004
ISBN 2-84335-204-5
160 pages
16.00 euros
 
  Pour détacher un homme de sa peau
 
   
DU MÊME AUTEUR
AUX ÉDITIONS VERTICALES


Poèmes en eau froide avec saisissement des chairs
De la France et de trois cent mille dieux fumants
Tombeau de Saint-Simon
Sermon sur les imbéciles
Ongle du verbe incarné
  Pierre Lafargue
  Il est des livres qui ne se laissent pas raconter ou expliciter, qui échappent à tout résumé. Il s’agit alors d’écouter une voix, d’être touché par elle. Les livres de Pierre Lafargue sont de ceux-là.
Pour détacher un homme de sa peau alterne textes courts, maximes et pensées. On y sonde la vertigineuse désespérance de l’auteur à l’égard d’un monde où la niaiserie rivalise de fausse prétention, où les êtres s’agitent autour du moindre néant et s’échinent à pervertir, mot après mot, le langage. Un livre d’altitude autant que de solitude, donc. Et pourtant, à le lire, on se surprend à jubiler. Car si chaque page constate et pourfend un mal contemporain, elle en est aussi le meilleur antidote littéraire, d’un pessimisme paradoxalement réjouissant.
Ainsi, entrer dans un ouvrage de Pierre Lafargue, c’est s’adonner au pur plaisir d’une langue souvent érudite ou précieuse, mais surtout savoureuse par le luxe de ses sonorités, et d’une force rythmique hors du commun. Tout converge en ces fragments de prose pour faire voler en éclats de rire l’esprit de sérieux. Il suffit de prêter l’oreille à ce verbe haut qui conjugue impertinence et impatience. «La colère de qualité renferme une telle quantité de noblesse humaine que, fracasse-t-elle votre crâne entre l’enclume et le marteau de ses raisons, vous chantez encore sa gloire.» Dès lors, inutile de chercher à décortiquer le moindre propos, car si «la philosophie est amusante, la poésie a de meilleurs chevilles, elle va plus loin.»
Ici, les mots sont de chair, ils ne discourent pas, ils jouent, ils émeuvent, ils agacent, ils éclairent ou ils aveuglent, ils sont à entendre au-delà de nos petites affaires entendus. L’idéalserait de prendre le temps de s’asseoir au bord du chemin, de faire une pause sur la pierre qui le borde, à l’écart du verbiage qui nous sert de bruit de fond.


«On ne doute plus que le monde est grand quand on a connu les preuves que donne cet ouvrage. Dès qu’on applique ces preuves à quelque objet préoccupant, elles prouvent. On se range derrière elles comme derrière la flèche qui montre le chemin qu’elle ouvre.
Ce poème aborde tellement de questions auxquelles il apporte tant de réponses ingénieuses, que le lecteur s’étonne d’avoir dû attendre si longtemps un ouvrage qu’il était en droit d’exiger dès l’enfance et qui lui aurait évité cet ahurissement.
Au lieu de quoi, il a lu des sottises qui ont contrarié sa croissance. Régression épouvantable, fourvoiement, tremblante.

On ne souhaite pas être mal compris. Mais les pauvres entendements qui n’ont pas été invités disent que ce n’est pas pour eux et que de toute façon ils ne seraient pas venus.
Je veux !
Et ceux qu’on ne pensait pas avoir besoin de convier, parce que leur place était auprès de nous comme la loge est présidentielle, laissent leur siège vide.
La jalousie est méprisée dans tous ses tics.»
Pierre Lafargue