Paru le 3 Sept. 2004
ISBN 2-84335-197-9
252 pages
16.00 euros
 
  Anti-Liban
 
   
DU MÊME AUTEUR
AUX ÉDITIONS VERTICALES


Les îles éparses
  Jean-Louis Magnan
  Jean-Louis Magnan a obtenu la mention spéciale du prix Wepler pour Anti-Liban en 2004.


Anti-Liban — comme son titre l’indique pour mieux le démentir — ancre sa narration dans cette plaque tournante géographique et culturelle qu’est le Liban. Le narrateur va chercher à Beyrouth, ville reliftée après quinze ans de guerre civile, la pièce manquante d’un puzzle identitaire. Il part sur les traces de Jean, ce "trop jeune homme" qu’il a été quelques années plus tôt, et "qu’on a voulu prématurément vieillir".

L’auteur s’impose une règle du jeu orientale, inspirée du principe narratif des Mille et Une Nuits : "Ne se souvenant plus de rien, je peux enfin inventer les raisons de mon histoire, et différer la loi cruelle que je me suis faite : me suicider à la fin du livre." Autrement dit, s’imbriquent au fil des pages une multitude d’histoires – adages, fables, notes fragmentaires, digressions savantes, légendes guerrières, évocations oniriques et imbroglio amoureux –, qui permettent de retarder une mort annoncée ; non pas celle de Schéhérazade par le Sultan, mais celle du personnage-narrateur, rattrapé par les passifs de son passé sans fin. Cet ultimatum, aussi tragique que délibérément ludique, confère au livre entier un suspense émotionnel qui joue avec le lecteur à la roulette russe du souvenir.

 

  Autre fil rouge de ce roman labyrinthique, sans cesse rompu puis retissé métaphoriquement, la recherche d’une "femme dont le prénom finit en a". Il trouvera son aboutissement dans le silence apaisé d’une ultime rencontre entre Jean et cet ancien amour. Entre-temps, nous aurons cheminé entre Haïti et Manhattan, entre Orient et Occident, entre démon de la guerre civile et vertige de l’alcool, entre peinture et balistique, entre Claire et Natalie, entre enfance mondaine et paternité solitaire, entre blason érotique et traité d’urbanisme. Et nous aurons glané, nous lecteurs, parmi les morceaux de ce narrateur éclaté, de quoi lui inventer une raison d’être, de survivre à son livre, donc.

Anti-Liban est un texte profondément mûri, ruminé, et pourtant écrit à vif, à cru. Un texte enivré de savoirs livresques, mais d’une limpidité cristalline. Un texte chimérique et rêveur, mais lesté par la densité immédiate de ses vécus. Un texte délibérément érotique, mais par ellipse, contagion, absence. Ainsi Jean-Louis Magnan a-t-il su élargir le compas des registres romanesques au-delà de ses limites conventionnelles, pour mieux embrasser d’un seul regard notre Histoire et la sienne, poésie intime et méditation géopolitique, effets de réalité et mythologie ancestrale.

Pour un premier roman, c’est un défi de style et d’architecture hors du commun que ce jeune auteur a choisi de relever, sans perdre jamais de vue la grâce et la violence de ses motifs initiaux.