Paru le 20 Sept. 1999
ISBN 2-84335-068-9
194 pages
17.53 euros
 
  La Société de
consommation de soi
 
   
DU MÊME AUTEUR
AUX ÉDITIONS VERTICALES


L'Esclavemaître
Court traité d'altéricide
  Dominique Quessada
  Nous sommes sortis de la "société de consommation" qui renvoyait à l'idée de consommation de masse. Nous parvenons à l'ère où l'individu constitue l'unité de référence du social.
Issue de la démocratie, voici donc la société de consommation de soi. Une société agitée par un principe d'autophagie fondamentale et où tout semble devoir être consommé. Il est utile à cet égard , de rappeler que si le terme de consommation évoque joliment l'action de conduire quelque chose jusqu'à son plein accomplissement, ou de satisfaire des besoins à travers l'utilisation de biens et de services, il signifie également la dégradation irrémédiable d'une chose par son usage.
Ce qui se communique dans et par le discours publicitaire, c'est de la communion.A travers la publicité, la société communi(qu)e avec elle-même. L'origine étymologique de communication renvoie d'ailleurs directement à l'idée de communion, même si son histoire est celle d'un éloignement progressif par rapport à ce sens premier. La publicité communique la communion par l'objet, en même temps qu'elle communique l'objet de la communion. Dans la dé-médiatisation qu'il opère entre les personnes, par la guerre qu'il mèner contre le principe d'un tiers symbolique (Etat, lois, règles, coutumes, localité, cultures locales, etc.) permettant la médiatisation et le tissage du lien social, le capitalisme mondial travaille - appuyé sur des réseaux géants de communication : networks planétaires d'information ou agences de publicité - à la mise en consommation de toute chose. C'est pourquoi le rôle du discours publicitaire ne se réduit pas à un "simple" en jeu de communication. Certes, il sert à "communiquer", mais
son intérêt essentiel ne réside pas là. L'idée selon laquelle la publicité, "c'est de la communication" semble réductrice ; car il ne s'agit ni d'échange, ni de discussion, ni davantage de confrontation d'idées.
Par son travail d'injonctions et d'ordres, la publicité consiste fondamentalement en la création et la définition de territoires - les territoires des marques - auxquels adhèrent des personnes. De ce point de vue, la question de l'objet constitue l'un des angles d'analyse essentiels pour comprendre comment la publicité travaille tous les corps : les corps individuels aussi bien que ce corps collectifr qu'est la société, et jusqu'à ce Grand Corps qu'est devenu le monde. La société assure une partie de son homogénéité à travers l'objet. Ce dernier constitue le point de passage par quoi la société s'assure de la fidélité inconditionnelle de ses sujets. L'objet remplit littéralement une fonction d'assujetissement : ce par quoi le sujet de la raison et celui de l'inconscient deviennent le sujet de la société. L'objet fabrique des sujets. Il assure une fonction fondamentale d'intégration qui le situe au-delà de son utilité immédiate. Il entretient, par nature, un rapport étroit avec la "chose" publique ; il est même ce qui fonde la possibilité qu'il y ait une "chose" publique.
Par l'objet, tel qu'il apparaît livré par la publicité, la société devient, pour le sujet, l'entité dispensatrice du Bien.
La publicité se tient au centre du système de production des objets et de gestion de leur circulation. Elle est à la fois le discours par lequel tout objet doit être mis désormais en circulation, et l'objet qui circule en tant que tel dans le collectif. La publicité vient ainsi rivaliser mondialement avec le discours politique comme seul discours apte à rendre compte du collectif.
D'ailleurs, elle n'en rend pas seulement compte et ne se borne pas à le représenter, mais le crée, le génère, en fabrique la matière. Sous les énoncés commerciaux, il y a un enjeu politique - si tant est que l'on puisse différencier les deux.

Dans la trame de ce langage des objets que représente le discours publiciatire naît une politique de la publicité